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Ecrire (avec) le moyenâge
6 juin 2015

Le Scriptorium, du côté de Taïwan

Uen fois les textes écrits, les étudiants se sont emparés de ceux de leurs camarades et leur ont fait subir ce que les hommes du moyen âge réservaient naturellement aux textes. C'est le jeu de l'amplification, du développement qui a fait d'eux des remanieurs de textes, donnant lieu à ce qui sera pour les philologues du futur autant de leçons différentes d'un même texte, autant de versions d'une même geste.

Marie-Anouchak Reynaud

Amplification d’un passage du texte de Florian («Il avait détruit la seule femme qui eut jamais besoin de lui, envie de lui ») :

 

Il avait détruit la seule femme qui eut jamais besoin de lui, envie de lui. A cette époque, il se voyait conquérir le monde. Il lui promettait tout…mais ne faisait jamais rien. Chaque jour il prenait de nouveaux engagements, chaque jour il s’excusait de ne pas les avoir tenus, chaque jour elle lui pardonnait, convaincue qu’il était sincère. Mais un jour elle en eut assez.

« Vous et vos vaines promesses n’avez qu’à aller au diable ! » Elle s’était lassée, il allait la perdre, elle allait partir. C’est alors qu’il avait senti son cœur bondir hors de sa poitrine. Il fut piqué par un sentiment violent, profond et soudain. Il avait fallu qu’elle veuille le quitter pour qu’il se rende compte à quel point il tenait à elle, à quel point sa vie sans elle ne valait rien. Pas un sou, pas un clou, rien.

« Je vous promets, ma mie, que dès la fin de cette semaine nous partirons ensemble pour le tour du monde que je vous ai tant vanté. Ceci est la dernière, la plus belle, la plus folle des promesses que je vous fais et c’est aussi la première et la seule que je tiendrai véritablement. Faites-moi confiance une dernière fois mon amour. » Il avait mis toute son âme, tout son cœur, tout ce qu’il avait de meilleur dans cette promesse. Désormais, sa vie était pendue aux jolies lèvres de sa dame, il lui suffisait d’un mot d’un seul pour tout anéantir : « Non » lui jeta-t-elle au visage.

Pour la première fois, il lui avait fait une réelle promesse, pour la première fois, il comptait la tenir, pour la première fois, elle refusa de le suivre dans son délire, convaincu qu’il mentait.

Le cœur déchiré, Chen Kong prit une décision pour le moins radicale et très soudaine. Devant son air si dur, si sec, si inflexible, il ne trouva pas d’autre solution. Si elle ne partait pas avec lui, elle ne partirait nulle part. Avec tout ce qu’il avait de plus mauvais en lui, il la frappa violemment derrière la tête. Elle tomba d’un coup sans avoir pu prononcer la moindre syllabe. Mais l’expression horrifiée de son visage suffisait à dire son plus grand étonnement et sa plus grande stupeur.

D’une certaine façon, Chen Kong avait respecté sa promesse, car, s’il était certain que sa dame ne ferait jamais le tour du monde, elle pourrait désormais faire le tour du paradis. Et un jour, il l’y rejoindrait…ou peut-être pas.

Voici comment Chen Kong avait détruit la seule femme qui eut jamais besoin de lui, envie de lui, à cette époque où il se voyait conquérir le monde.

 Avant de mourir, il eut peur que son malheureux geste ne le conduise tout droit en enfer, alors, pour se racheter, il fit donc édifier un magnifique monument en l’honneur de sa dame: La pagode du Tigre et du Dragon.

 

Anonyme français

Contexte :

Depuis plusieurs années, Taïwan est sous la domination de la Hollande. A leur arrivée, les riches commerçants hollandais  prirent les plus beaux bâtiments de la ville pour leur utilisation personnelle, quitte à en expulser les taiwanais. Ces derniers devinrent rapidement des objets dont l’occupant disposait à sa guise. Les inégalités se creusèrent et les libertés furent restreintes. Le peuple taiwanais se sentait de plus en plus écrasé sous la domination hollandaise, si bien que des groupes de rebelles se formaient de manière disparate, au sein des bas quartiers.

Synopsis :

Zhen Chen Kong, fils d’un blanchisseur destiné à reprendre l’affaire familiale, refuse cette domination qu’il considère comme illégitime. Animé par des idéaux de liberté et de justice propres à la jeunesse, le jeune homme constitue son propre groupe et se donne pour objectif d’unifier la rébellion.  Alors que Zhen Chen Kong se rend dans le quartier hollandais pour y faire des repérages en vue d’un attentat, il y croise le regard d’une belle jeune femme. Il en tombe immédiatement sous le charme et apprend qu’il s’agit de Lady Elisabeth, l’épouse du plus riche commerçant hollandais. Cette nouvelle est loin de le décourager puisqu’il fait tout pour attirer l’attention de la jeune femme. Après une suite de rencontres plus ou moins fortuites, des regards et des paroles échangés, Zhen Chen Kong et Elisabeth deviennent amants, et ce dans le plus grand secret.

Mais la révolte prend de plus en plus d’ampleur. Le plan de l’attentat des rebelles se précise : le but est de pousser les Hollandais à se réfugier tous ensemble dans le bastion de Zhe Kan Lo, puis de les y prendre au piège. Ayant confiance en Elisabeth, Zhen Chen Kong emmène son amante au repaire des rebelles, dont il a acquis la place de mentor et de chef, et lui montre l’ensemble de son plan.

Le grand attentat commence. Comme prévu, les Hollandais doivent se dirigent pour leur sécurité vers Zhe Kan Lo. Les rebelles sont sur le point de prendre le bastion mais, à leur arrivée, il constate que ce dernier est vide. Les soldats hollandais sillonnent la ville pour démanteler les réseaux de rebelles grâce aux informations qu’a recueillies Elisabeth. En effet, cette dernière n’est qu’une espionne pour le compte des Hollandais et a manipulé Zhen Chen Kong.

Zhen Chen Kong continue de se battre désespérément pour sauver la rébellion mais se fait capturer. Brisé, il comprend la trahison d’Elisabeth et est isolé dans une cellule dans les sous-sols du bastion. Les rebelles restants tentent de négocier la libération de leur chef mais doivent faire face à un ultimatum : attaquer et provoquer la mort de Zhen Chen Kong ou attendre une fois de plus que les Hollandais décident de leur sort.

Elisabeth descend au sous-sol pour voir celui qu’elle aime et qu’elle a trahi. Elle s’approche de la cellule et lui fait face. Aucun des deux n’a besoin de parler, ils se comprennent par le regard. Trahi, anéanti, Zhen Chen Kong poignarde en plein cœur celle qu’il aime grâce à un éclat de verre trouvé au fond de sa cellule. Le garde, qui attendait derrière la porte, est alerté par le bruit et, face à la scène, tire en pleine tête sur Zhen Chen Kong. Le coup de feu agit comme un signal. Les rebelles comprennent que leur leader est mort et que plus rien ne les retient. Ils attaquent le bastion et remportent la victoire.

Les deux amants sont célébrés par deux statues, Zhen Chen Kong par un dragon et Elisabeth par un tigre, le seul animal capable de tenir tête au dragon. C’est aujourd’hui la pagode de Long Hu Ta.

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Ecrire (avec) le moyenâge
  • Ce blog présente les textes écrits par les étudiants de l'université d'Aix-Marseille au cours de l'atelier d'écriture "Ecrire (avec) le moyen âge, animé par Jean-Marc Quaranta, au premier semestre 2014-2015
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